
Un pied dans les quartiers populaires, l’autre dans les amphis des universités. Le temps d’un week-end toulousain, La France insoumise a décliné sa stratégie et ses cibles en vue de prochaines échéances électorales. Vendredi 31 janvier, l’amphithéâtre de l’université Jean-Jaurès, dans le quartier du Mirail, était bien trop petit pour accueillir plus de 1500 personnes, venues pour écouter Jean-Luc Mélenchon. La moitié a du faire la queue à l’extérieur, ou suivre la conférence sur un écran géant. Dans un long discours, M. Mélenchon a abordé plusieurs thèmes en lien avec l’actualité, réclamant à nouveau « la démission d’Emmanuel Macron », stigmatisant ces « quelques privilégiés qui refusent de participer à l’effort commun », rappelant que LFI a obtenu « plus de 7 millions de voix pour [notre] programme, deux fois ». « Votre devoir est de convaincre vos frères et sœurs, parents et grands-parents ! » a-t-il lancé. Multipliant les appels à une jeunesse « qui ne doit pas céder », il a ensuite assené : « Oui, M. Zemmour, oui, M. Bayrou, il y a un grand remplacement. Celui d'une génération qui vient après l'autre et qui ne ressemblera jamais à la précédente. » A ses côtés, le député LFI de la circonscription François Piquemal, se félicitait de la soirée. Pressenti pour mener une liste lors des prochaines élections municipales en 2026, ce professeur d’histoire-géographie de 40 ans réalise des scores très importants dans les quartiers dits populaires. Le 30 juin 2024, il avait été élu dès le premier tour des élections législatives avec 53,39 % des voix. « On est dans un travail de terrain de longue date dans les quartiers et auprès de la jeunesse, cela va payer » dit-il.

Le lendemain, environ 600 personnes ont participé aux Rencontres nationales des quartiers populaires, une troisième édition co-organisée par La France insoumise. Dans la grande salle Mermoz, au style art déco, militants associatifs de toute la France, élus ou simples curieux, ont participé à des ateliers déclinés en quatre thèmes : démocratie, écologie populaire, lutte contre les discriminations, services publics et biens communs. « C’est difficile de mobiliser dans les quartiers et chez les étudiants, mais c’est là où se trouve l’énergie de transformation » confie Jean-Luc Mélenchon au Monde. Intervenant au micro, Assa Traoré, du Comité vérité pour Adama Traoré, a souligné les liens avec LFI. « Nous avons navigué et avancé ensemble, aujourd’hui, personne ne peut parler à notre place » revendique-t-elle. Le 19 juillet 2016, à la gendarmerie de Persan (Val-d'Oise), son frère âgé de 24 ans était mort après son interpellation, alors qu'il tentait de fuir un contrôle. Toute la journée, responsables associatifs, syndicalistes ou élus « insoumis » ont dressé le portrait de quartiers oubliés, défavorisés. Accès à la santé, place des femmes, précarisation, pour Jean-Luc Mélenchon « dans cette nouvelle France, il faut porter la voix de cette créolisation, une nouvelle langue en commun ». Selon Salah Amokrane, ancien candidat aux élections municipales de 2001 à Toulouse sur la liste Motivé-e-s, « nous sommes les experts de nos territoires. La question des quartiers populaires, de l’histoire de l’immigration, doit être au centre du débat politique. » Membre du réseau national de L’assemblée des quartiers, directeur d’une association culturelle, il n’est pas membre de LFI mais assure que c’est la seule force de gauche « qui se saisit vraiment de ces questions ».

« On a pris conscience en 2017 de la défiance envers la gauche des habitants de ces quartiers » souligne le député LFI Éric Coquerel, co-organisateur de la rencontre. « Depuis, on mène un grand travail avec cette nouvelle classe populaire. LFI doit être un outil au service de ces territoires » précise-t-il. En premier lieu dans l’objectif des futures élections municipales. « En 2020, on a un peu négligé les municipales, ou bien nous n’étions pas assez préparés. Cette fois-ci, on veut gagner des municipalités, c’est clair pour nous » avance le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Une ambition confirmée par Jean-Luc Mélenchon, pour qui les municipales représentent « l’élection la plus proche des citoyens. » Avec des alliances dans certaines grandes villes ? « Bien entendu, répond M. Mélenhon. On l’a fait avec la Nupes en 2022 puis avec le Nouveau front populaire (NFP), on peut le faire en 2025, ce n est pas nous qui sommes clivants » affirme-t-il. Premier visé, le Parti socialiste (PS), avec lequel « à Toulouse cela se présente très mal tant Mme Delga [présidente socialiste de la région Occitanie] est arrogante et même désinvolte » estime le leader « insoumis ». A Toulouse, Marseille ou Lyon, les discussions sont en cours pour tenter de présenter des listes d’union de gauche au premier tour. En attendant, les thématiques abordées lors de ces rencontres déboucheront sur la publication de 10 mesures en vue des élections municipales. Très centrées sur les quartiers populaires et la jeunesse, donc.
