
Mardi 11 février, fin d’après-midi. Des dizaines de vélos sont accrochés aux grilles de la salle municipale des allées de Barcelone, au bord du canal de Brienne. Rafraîchi, le décor de ce théâtre politique, souvent utilisé pour des réunions, offre encore une accoustique déplorable. Difficile de comprendre les discours des intervenants. Ce soir, c’est Archipel citoyen qui tient réunion. Tables-rondes, ateliers, gâteaux végan, environ 180 personnes sont présentes pour parler de « Retour vers le futur ». Comprendre : tirer les leçons de 2020 pour gagner en 2026. Autour de la scène, dans les travées, on évoque surtout la nouvelle du jour, d’importance. « Je ne serai pas candidate à la mairie de Toulouse car je pense être plus utile dans mes fonctions actuelles à la tête de la région Occitanie et des régions de France. » Dans un entretien fleuve accordé au quotidien La Dépêche du Midi, Carole Delga, présidente socialise de la région Occitanie, a mis fin aux rumeurs voulant l’envoyer au Capitole. Après quelques semaines de réflexion, « sollicitée par de nombreux acteurs économiques et politiques, ou habitants », Mme Delga ne portera pas les couleurs de la gauche. Ce n’est pas une réelle surprise, mais elle permet de clarifier un peu la situation face au maire sortant Jean-Luc qui brique un troisième mandat. « Aucune citadelle n’est imprenable si l’on présente un bon projet, porté par une équipe crédible et un ou une candidate capable de fédérer » a ajouté la native de Martres-Tolosane (Haute-Garonne) lors d’un point presse, mercredi 12 février. Dans une ville qui vote largement à gauche lors des scrutins nationaux, socialistes, écologistes ou extrême-gauche se cassent les dents depuis des décennies, mis à part entre 2008 et 2014, pour gouverner. En 2008, le socialiste Pierre Cohen, à la tête d’une liste d’union de la gauche, était parvenu à briser la mainmise de la dynastie Baudis, père et fils, puis de Jean-Luc Moudenc. Les tendances de gauche parviendront-elles à se réunir en 2026 ? Le débat reste très ouvert.

Carole Delga, qui a lancé le jour-même un site internet présentant les propositions de son micro-parti La République en commun, semblait loin de pouvoir réunir toutes ces tendances. « Je ne vois par comment on pourrait s’allier avec La France insoumise tant nos idées divergent, localement et nationalement » a-t-elle rappelé. A Toulouse, le Parti socialiste (PS) a pris acte de cette décision. Le premier secrétaire fédéral et conseiller municipal, François Briançon se dit « respectueux de la décision de Carole. Cela ne remet pas en cause notre volonté d’union de la gauche pour 2026 » précise-t-il. Ce directeur de communication, siégeant au conseil municipal depuis 2008, se dit « prêt à mener des discussions et à porter les idées du PS, dans le respect et pour des mesures radicales à la mairie. » En accord avec le président du département de Haute-Garonne, Sébastien Vincini, également socialiste, les deux hommes sont sur la même ligne que Carole Delga concernant des accords avec LFI. Du côté du parti « insoumis », François Piquemal, député de la quatrième circonscription du département, a réagi à l’annonce de Carole Delga, la jugeant « comme un non-évènement. » Lui aussi candidat pour mener une liste d’union de la gauche, il a accueilli lors de deux journées, début février, Jean-Luc Mélenchon à Toulouse. Le leader insoumis avait alors déclaré que « Toulouse, plus que d’autres villes en France, est une priorité pour [nous] ». De fait, même si toutes les tendances à gauche appellent à l’union, des tensions semblent insurmontables. Pour Frédéric Borras, bras droit de M. Piquemal, « une page se tourne vers la candidature d’union, mais on attend que le PS propose un cadre et un mode de gouvernance. ». « Il faut attendre la tenue de notre congrès national, a priori en avril, et là on pourra décider d’une union et d’une éventuelle tête de liste » avance François Briançon.

Un calendrier qui agace un peu les représentants d’Archipel citoyen, l’autre acteur, d’importance, de la gauche toulousaine. Comme en 2020, le mouvement veut repartir au combat municipal, auréolé de son second tour face à Jean-Luc Moudenc lors du dernier scrutin. « On est aussi sur une position commune, mais le temps commence à presser » dit Maxime Le Texier, un des représentants du collectif. Les réunions publiques se succèdent, et les rencontres dans les coulisses aussi. Sans que ni calendrier, ni position commune ne soient encore avancés. « Est-ce qu’on passe enfin la seconde ? » questionne Frédéric Borras. Face à cette partie de ping-pong et après les déclarations de Carole Delga, c’est bien Jean-Luc Moudenc qui surfe sur ces divisions. Multipliant les rencontres publiques ou les visites dans les quartiers, le maire sortant est entré en campagne très prématurément. S’ il déclare « ne pas avoir à commenter les candidatures des uns ou des autres », le maire voit s’effacer une candidate donnée favorite dans les sondages. Début janvier, lors de ses vœux et devant 1500 personnes, il avait appelé à « refouler les Mélenchonistes du Capitole ». Seule ombre actuelle pour lui, une plainte déposée le 17 janvier dernier par l’association Anticor, qui l’accuse d’emploi fictif au ministère des finances entre 2008 et 2020. La saisie de cette plainte par un juge d’instruction serait peut-être pire que la désunion actuelle de la gauche.
